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Rencontre intime entre étoile et auteure

logo_echosC’est un rendez-vous prisé du Festival d’Avignon – on refusait du monde cette année – en fin de matinée ou d’après-midi, selon les programmes. Initiée par la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques), la rencontre entre deux créateurs, le plus souvent hors normes, a trouvé son public qui se régale de ces moments d’intimité dans un cadre enchanteur.

« Irrévérence(s) » rassemble les deux vedettes incontestées de cette édition. Marie-Agnès Gillot, l’étoile de l’Opéra de Paris et depuis quelque temps chorégraphe, partage l’affiche avec l’auteur à succès de « La petite communiste qui ne souriait jamais » (Actes Sud), Lola Lafon. Entre les deux, outre une évidente complicité, l’amour de la danse que la première défend avec superbe et que la seconde, après l’avoir pratiquée, esquisse désormais entre ses pages.

Plumes et pointes

Le spectacle est fait de mots et de chansons, de gestes et de fuite en avant. Les deux protagonistes déboulent dans le jardin, jupe longue bohème de la blonde Lola Lafon tranchant avec le noir des chaussons matelassés de Marie-Agnès Gillot; une fois ses pointes enfilées, l’étoile y va de ses exercices à la – petite – barre : l’image est attendue autant que convenue. La ballerine dans la douleur de l’exercice et de la répétition. « Vous voulez de la virtuosité ? » semble-t-elle dire. Voyez par quoi il faut en passer. Ce n’est pas le plus probant dans ce duo. Lola Lafon prend alors la parole et évoque leurs échanges « comme un graphique nerveux ». Alors c’est quoi une vie normale lorsque celle de la jeune danseuse entre six et seize ans paraît ascétique ? Plus de télé, plus de Facebook ? Tout le long de ces trente minutes, le verbe de Lola Lafon se fait rythme pour scander son désarroi : « Je ne veux pas me perdre, pas m’oublier. » Et de tendre le bras à la Gillot qui enchaîne les tours ou étire sa longue silhouette. On peut y voir un autoportrait à deux faces : Lola Lafon fredonne une comptine en roumain ou reprend Barbara (« La Solitude »). Marie-Agnès Gillot à nu sous une toile d’Olivier Mosset essore ses vêtements de danse. La sueur en lieu et place des pleurs. « Nous ne savons pas ce que nous sommes en train de fabriquer », murmure Lola Lafon, quasi mutine. Vrai : « Irrévérence(s) » s’invente sous nos yeux. Il y a encore de la maladresse « tissée » serrée, mais avec de vraies fulgurances. L’étoile et son double prennent à l’évidence un plaisir fou. On n’est pas loin à cet instant, dans la fournaise d’Avignon, d’éprouver la même chose.

Philippe Noisette

Conception : Marie-Agnès Gillot et Lola Lafon. Festival d’Avignon (04 90 14 14 14). Au jardin de la Vierge du lycée Saint-Joseph jusqu’au 24 juillet.
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