La Flamme Lola

Par Fara C.

A l’instar d’une Nina Simone ou d’une Brigitte Fontaine, Lola Lafon, née d’une mère biélorusse et d’un père français, fait partie de ces artistes par lesquels votre existence change, dès la première écoute. Dans le CD « Grandir à l’envers de  rien », ses chansons résistent à toute classification, tout enfermement. N’en déplaise à Sarkozy, samplé sur l’album, Leva, le groupe réuni autour d’elle, fait sauter les frontières (un Serbe à l’accordéon et aux claviers, un Macédonien à la guitare, un Français à la basse, un Belge aux programmations).  Et pénètre par effraction dans une belle maison -la liberté- qui devrait accueillir chaque être humain, mais depuis trop de décennies, squattée par une dynastie de privilégiés. Comme en son livre saisissant « Une fièvre impossible à négocier », la flamme Lola nous flanque à la face des textes d’une intense force poétique, débarassés du moindre gras, pour n’offrir que la chair palpitante de la récolte, du lyrisme et d’une tendresse enfouie. Elle scanne une société qui fait rimer consommation et répression. Elle dissèque « l’Etat français et ses exécuteurs testamentaires », « l’ANPE et la peur de vivre en apnée », « la vague  qui tombe toujours offshore ». Sa vie cabossée hante, pudiquement, les mélodies sublimées par les compositions et les arrangements. grisant accordéon balkanique, samples judicieux de Bartok et Stravinsky, guitares folk-rock, mélopées aux résonances soufis… Une oeuvre enchanteresse et poignante.