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Jeanne

Je promène deux cahiers dans mon sac, parce que si je n’ai rien, je me retrouve à certains moments (et ça peut être n’importe quand) dans la situation ridicule d’avoir des phrases qui arrivent et qui restent à se bousculer dans ma tête , vite, un stylo, elles veulent juste atterrir quelque part
(et puis, longues les phrases, assez souples, du genre de phrases qu’on tient à noter dans l’instant, sinon, elles n’ont jamais existé, ça y est elles sont parties).

Alors si j’oublie mon cahier, comme hier soir où des phrases arrivaient paf, l’une après l’autre alors que j’étais à trois mètres de mon immeuble, je me retrouve en train de fouiller mon sac, rien, quelle conne, mais je dois faire face et donc commencer à répèter à voix haute les phrases pour ne pas qu’elles m’échappent tout en continuant d’explorer mon sac vide.
J’ai poussé la porte en récitant mes phrases, ma concierge m’a dit « bonsoir », très magnanime, faisant comme si tout ça était parfaitement normal . J’ai continué de marcher vers l’escalier en répétant les mots, c’est forcément de plus en plus acrobatique, parce qu’on répète des phrases mais d’autres s’y ajoutent.
J’ai alors trouvé in extremis recroquevillé au fond de mon sac un prospectus d’institut de beauté, genre tous vos poils en moins pour 8 euros , et c’est un tel soulagement, j’ai noté en essayant de monter l’escalier peu à peu, pour avoir l’air cool devant ma concierge qui me regardait toujours.

On n’est pas à l’abri des phrases qui tombent,je ne dois oublier ni mon cahier ni mon solupred (je suis une grande allergique, un médecin m’a expliqué un jour que mon corps était complètement paranoïaque et déclenchait des attitudes guerrières défensives pour n’importe quoi. Par erreur. Ca ne m’étonne pas une seconde)

Tout ça pour en venir juste à : je garde dans mon cahier depuis quelques jours une carte postale d’une jeune fille qui m’écrit de temps en temps, Jeanne.

Je la garde parce qu’il se trouve que sa carte répond à la question que je me pose.
on dit « sois simple »
on dit  » arrête de te prendre la tête » mais ceux qui disent ça ont la tête enserrée de peurs terribles ils courrent en avant en parlant fort pour ne pas entendre qu’ils sont vivants, juste ça, on n’aura que ça et il faudra bien en faire quelque chose
je ne suis pas simple et je ne peux pas faire semblant de (vous) écrire un deuxième roman avec des histoires pour vous endormir.

je me prends la tête parce que j’aime bien ma tête (surtout quand elle a des phrases à l’intérieur) , et « c’est mon aptitude à recevoir des chocs qui a fait de moi un écrivain » disait Virginia Woolf.

parfois je m’inquiète de vous, est ce que vous aimerez est ce que ça vous attristera parce que je ne crois vraiment pas que les mots doivent alourdir celui ou celle qui les lit

même s’ils sont graves, les mots créent, j’éspère de l’espace, une envie de dévaler des dunes les bras ouverts
(je ne recopie pas la carte que je garde, je crois que ça ne se fait pas sans autorisation de l’intéressée…)
lola

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