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LA PETITE FEE AUX OS EN FILS DE SOIE (fragments du roman à venir, publiés dans la NRF)

La petite fée aux os en fils de soie
17 juillet 1976. Jeux olympiques de Montréal

Quel âge a-t-elle, demandent les juges à l’entraîneur. Ce chiffre, treize, leur donne un frisson. Ce que la petite a effectué à l’instant dézingue le déroulement des chiffres, des mots et des images. Il ne s’agit plus de ce que l’on comprend. Elle jette la pesanteur par-dessus son épaule, son corps frêle, posément, se fait de la place dans l’atmosphère pour s’y lover. Elle alourdit les années qui la séparent des autres gymnastes. On ne parvient pas bien à déchiffrer ce qui se met en place, ce trait définitif qu’on tire sur celles qu’on commence à appeler « les autres », et qui, quand la petite rentre sur le podium, tirent nerveusement leur justaucorps sur leurs fesses, ranger ces chairs, planquer tout ce qui soudainement semble de trop, incongru, ridicule même.
Et pourquoi personne ne les a prévenus qu’il fallait regarder par là, ragent ceux qui ratent l’instant où, sur les dix centimètres de largeur de la poutre, Nadia C. lance son corps en arrière et, les bras en croix, donne un coup de pied à la lune, saut à l’aveugle, et ils se tournent les uns vers les autres, est-ce que quelqu’un a compris, est-ce que vous avez compris, un silence total dans le Forum implore la grâce mécanique de l’enfant. On exige un replay de l’exercice aux barres asymétriques. Du ralenti. Son corps enroule les barres. Elle s’immobilise un instant en équilibre sur les mains sur la barre la plus haute. Un cri de femme, hurlement de plaisir fou, s’échappe de la masse des 18 000 spectateurs et ponctue les deux petits pieds en chaussons blancs qui attrapent le sol sans une seule oscillation. On craint la chute de certaines gymnastes, mais elle, elle est si téméraire, comme ces enfants dans les parcs dont chacun des gestes est tendu vers l’envie de se montrer parfaits à leurs parents, sûr certain que je le fais ce saut périlleux, regarde regarde.
Et cet air de charleston sur lequel elle évolue pour son exercice au sol, ce yes, sir, that’s my baby, cet air sautillant et empreint d’une joie d’avant 1929, yes yes yes voilà mon écureuil menteur, menteuse qui change la donne, embrouille le possible, yes sir, la voilà qui n’utilise même plus ses mains pour s’aider du sol quand elle lance son corps dans l’air qui la tient en suspens, une double vrille, le salto arrière, cette diagonale folle où son corps s’emballe au point que les juges sont obligés, ensuite, de demander à Bela K., l’entraîneur, ce qu’elle a réellement exécuté, ils n’ont pas eu le temps de voir, yes yes, ils sont tous persuadés que oui, that’s my baby tandis qu’elle manipule et réarrange parfaitement l’enfance pour en faire un cirque infernal de séduction, petit vagabond de film muet dont on voudrait tenir le visage entre les mains. Comme c’est gai. Ça dégraisse les lourdeurs sécuritaires de ces Jeux paranoïaques, elle nous tire par la main pour en reprendre encore et dégringoler avec elle dans une spirale d’insouciance. On la porte en triomphe, on s’agenouillera même s’il le faut, comment remercier l’elfe roumain de 1,47 m d’avoir balayé le boycott des pays africains et les mitraillettes des soldats présents partout dans le village olympique. Tandis qu’elle salue la foule debout, les Russes quittent le podium, maussades, en rang derrière leur entraîneur ; Bela, lui, tend ses poings, il boxe l’air, hilare, entouré des fillettes de son équipe qui rebondissent autour de lui, leurs yeux cernés du manque de sommeil et la bouche sèche de faim. Elle a sauvé leurs Jeux.
Les revendeurs écoulent des billets qui valent 16 $ à 100 $ chacun pour la finale du concours individuel de gymnastique car tout le monde veut être là et voir ces diagonales d’acrobaties enchaînées pendant lesquelles il semble que son corps trop léger ne retombera peut-être pas sur ses pieds. Elle est épidémique. On veut se frotter à ses étincelles de jouet magique et turbulent. S’arracher à nos corps encombrés d’hormones lentes et ballotantes. Et quand elle court vers ses sauts périlleux, ses coudes impriment plus de vitesse encore, la fermeté absolue de sa chair compactée dans son justaucorps blanc, elle est cette mécanique filante génialement échappée à son sexe, évadée vers une enfance merveilleusement lisse et supérieure.
On convoque les éléments, nage-t-elle dans un océan d’air et de silence, on repousse le sport, trop brutal, presque vulgaire en comparaison de ce qui a lieu, on rature, on recommence : elle ne sculpte pas l’espace, elle est l’espace, elle ne transmet pas l’émotion, elle est l’émotion. Quand elle apparaît – un ange – remarquez ce halo tout autour, une vapeur de flashs hystériques, elle s’élève au-dessus des lois, des règles et des certitudes, une machine poétique sublime qui détraque tout et elle serre une grande poupée de chiffon contre elle dans les conférences de presse. La gamine gratte le désir, on en veut encore un peu, oh ce désir de la toucher, l’approcher, une envie-spirale toujours plus pressante, et c’est déjà terminé, l’enchaînement à la poutre a duré 90 secondes.
Et que fera-t-elle maintenant qu’elle a atteint la perfection? Je peux faire mieux, promet-elle. Alors, il faudra sans doute qu’elle invente un autre sport, concluent-ils. On commente sa composition, oui, c’est vrai, il y avait déjà des flashs de Nadia dans la Olga des J O de Munich en 1972, mais là, avec Nadia, on a tous les plats servis au même moment ! La grâce, la précision, l’amplitude des gestes, le risque ! Et la puissance sans qu’on en voie rien ! Il paraît qu’elle peut refaire son enchaînement quinze fois de suite… Et cette ossature. Des os en fils de soie ! Morphologiquement supérieure. Plus élastique. Plus minuscule. La gamine a même défait l’ordinateur, celui qui calcule les notes attribuées aux compétitrices. La banque de données a sauté après son exhibition à la poutre, et le lendemain aussi, quand elle remporte un 10, la note parfaite jamais attribuée, pour les barres asymétriques et le sol. Une rumeur évoque certains juges qui auraient aimé aller au-delà, lui donner onze sur dix ! Qu’on invente de nouveaux chiffres ! Qu’on abandonne les chiffres.
On cherche, on agence les mots comme ça, puis non, dans cet ordre-là, on tente de dessiner ses contours. La petite fée communiste. La petite fée communiste qui ne souriait jamais. On raye le mot « adorable », car on l’a utilisé trop de fois déjà depuis quelques jours et pourtant, c’est celui-là. Douloureusement adorable, insupportablement trop mignonne, et, forcé de la regarder de notre place d’adulte, oui, on a envie de se glisser dans son enfance travailleuse, se tenir au plus près d’elle et de son corps que protège l’immaculé justaucorps sur lequel on ne distingue aucune trace de transpiration, jamais. Une lolita olympique de même pas 40 kg, écolière de 13 ans au corps de jeune garçon qui se plie à toutes les demandes. On ne voit plus les choses de la même façon. C’est une évidence, Nadia est un nouveau départ. Les autres gymnastes sont erreurs, déformations d’idéal. Des fautes. Ces maillots renflés, ces poitrines comprimées qui, quand elles s’élancent vers le cheval-d’arçon bougent imperceptiblement, ces cuisses, leurs fesses qui transforment le justaucorps, on le trouve d’un coup trop échancré, trop petit peut-être. Tout ça, seins, hanches, explique un spécialiste lors de la retransmission, ça ralentit les
tours, ça plombe les sauts, c’est moins propre, comme ligne.
La championne soviétique Ludmila est « terriblement femme ». Sur la photo d’un quotidien, à côté de la nymphette roumaine, elle paraît disproportionnée, quant à Olga, franchement, c’est presque embarrassant. La caméra s’attarde sur elle, livide après le triomphe de sa rivale roumaine, non, elle n’est pas fatiguée, elle est usée, elle a vingt ans, presque une – et quand le commentateur parle, on entend les rires des autres journalistes présents dans le studio – une vieille femme usée, on l’a un peu trop utilisée, hein. D’autres froncent les sourcils, restons fair-play. Dame, oui, c’est pas mal ça, une grande dame, cette Ludmila, et Olga, après tout, a été une ancienne fée, un jour Nadia vivra ce qu’elle vit. Au même moment, l’image s’arrête sur la Roumaine au minuscule visage, son pouce qu’elle mordille nerveusement, alors le journaliste, doucement, murmure : « Elle a un si petit pouce. »
Et ils tous sont à ses pieds, littéralement au sol, car il n’y a plus de place, plus de chaise dans la pièce où se tient la conférence de presse, ces adultes semblent contaminés par une enfance débilitante, éclatant de rire à chacune de ses mimiques, aimes-tu le chocolat Nadia, quelques mots en français, en français !! Bravo ! Joues-tu au Monopoly Nadia, as-tu un amoureux Nadia, ils notent ses dents trop mignonnes quand elle sourit. Prosternés devant l’enfant faussement fragile, ce fantôme de gamine blême, du justaucorps blanc jusqu’à ses mains crayeuses de magnésie en passant par son visage pâli de fatigue.
À l’aéroport de Montréal, quand l’équipe de Roumanie repart, des centaines de gens la reconnaissent et veulent toucher
ses couettes, elle se retrouve plaquée contre le comptoir d’Air Canada, il faut appeler la police. La première page d’un quotidien montre Nadia devant un micro tendu par un homme adulte dont on ne voit que la main, elle étreint une poupée brune dont la tête pend dans le vide. Quand on réussit enfin à la sécuriser dans un bureau, l’hôtesse se baisse vers elle et caresse la joue de Nadia –so cute – en lui tendant un verre d’eau tandis que, juste à côté, un pilote parle avec deux gardes du corps. Il se souvient, oui, il y a un an ou deux, il faisait Bucarest-Londres et elle était là, avec les autres de l’équipe, on l’avait autorisée à entrer dans le cockpit. Elle lui avait alors posé des tas de questions, dont certaines « extrêmement précises » sur le vol. Et voilà que l’autre jour, il tombe sur elle à la télé au moment où le jury lui attribue un 10 !
« J’étais tellement fier, c’est pas possible de vous dire à quel point, je n’y croyais pas !… Ma petite fille… »
Vides du silence après festivités, déjà en manque de la fée des Carpates, des milliers de mères américaines éteignent leur poste de télévision resté ouvert toute la journée depuis le 17 juillet. Elles se prennent à rêver d’en avoir une comme celle-là, si menue, une enfant pâlotte et soucieuse de bien faire, sage, sérieuse, travailleuse, sobre, sans chichis, qui monte sur des podiums et fasse briller de grosses médailles sur un petit torse plat et ferme, qui attende ses notes devant les caméras du monde entier après avoir enchanté des millions et des millions de spectateurs, terminant son numéro sur cette pose devenue une carte postale en vente partout, une petite qui vienne d’un pays bizarre, cette Roumanie, qui soit rompue à une existence consciencieuse et à qui on n’achète rien que des noeuds à nouer joliment autour des cheveux, qui soit adorablement lisse et sans odeur, ce désir de posséder une fillette fermée au monde, qui ne sache pas qu’on ne peut rien pour elle et que bientôt, oh mais très vite, elle sera recouverte de son banal futur biologique.

1977. Le procès

Sera télévisé et instruit en 3 minutes 39 lors d’une émission de divertissement américaine. On se passera d’avocat, l’accusée, Nadia Comaneci, viendra accompagnée d’une femme roumaine présentée comme son interprète. Au cours du procès, on découvrira que l’« interprète » n’est pas du côté de l’accusée, mais plutôt l’étrange avocate d’un tout comprenant : l’entraîneur Bela K., la fédération roumaine de gymnastique ainsi que les très nombreux téléspectateurs s’estimant spoliés, trompés par la nouvelle apparence de la dite Nadia C. (toutes ces lettres de téléspectateurs reçues après la diffusion des championnats d’Europe en septembre 1977 se plaignant de ne pas reconnaître leur petit elfe de Montréal). On examinera des faits incontestables, mètre et balance à l’appui, des preuves scientifiques. On prendra soin de toujours garder un ton courtois en s’adressant à l’enfant recroquevillée dans son fauteuil et son pull à col roulé rouge.
Présentateur : « Depuis Montréal, nous avons entendu dire que tu as pris quelques kilos. Tu as été malade ? »
L’interprète, en roumain, à Nadia : « Par rapport à Montréal, tu es plus grosse et tu travailles beaucoup plus mal. »
L’ingénieur du son fait signe au présentateur qu’on n’entend pas, malgré le micro HF, la réponse de la gamine, un semi-murmure embêté. Présentateur : « Il y a quelque chose, toutefois, qui n’a pas changé, Nadia, tu parles tout tout doucement, tu es toujours aussi timide ? »
L’interprète, agacée : « Il demande si tu pourrais parler plus fort ? »
Un sourire, un souffle, presque une excuse, un sourire.
Le présentateur : « Nadia, un jour, tu auras une fille, voudrais-tu qu’elle soit championne comme toi ? »
Elle interrompt l’interprète qui commence à « traduire » : « Non, je n’y ai pas pensé j’ai le temps j’ai le temps. »

Est-ce arrivé ? Ou alors elle l’invente et ça n’était pas un procès, pas un vrai en tous cas, mais ça ne ressemblait pas non plus aux émissions auxquelles elle a participé auparavant. Des tas de gens ont vu ça, tellement de gens dans leur salon en train de soupirer – dis donc c’est qu’elle a pris des kilos – et c’est si vexant, humiliant,comme si on lui arrachait son pantalon et qu’on la forçait à avouer à voix haute : oui j’ai mes règles. Parce que c’est bien ça le sujet, non, ils parlent d’elle d’une voix triste et incrédule, répètent, tiens tu as… changé, ça veut dire tu as tes règles et elle, conne un peu joufflue et lourde qui ne peut pas décoller de ce siège et s’en aller, au contraire elle s’y enfonce à chaque question un peu plus. Et elle rêve qu’elle crie ou elle crie pour de bon, mais ça ne doit pas être réel parce que si elle criait, sa mère accourrait bien sûr et là, personne ne vient tandis qu’elle pleure fort après l’émission. Et sur le fauteuil de la salle de maquillage où une dame lui enlève un fond de teint trop foncé pour elle, elle baisse les yeux et voit ses cuisses qui semblent s’étaler encore plus qu’hier, et sa mère ne viendra pas, et d’ailleurs qui, mais qui pourrait contenir ses chairs qui prennent vie comme des fleurs boulimiques, arrogantes et brutales, s’arrogeant le droit de la remplacer peu à peu.

Le sommeil est aujourd’hui le seul espace où se défaire quelques heures de son chagrin. Autour d’elle, tous semblent pleurer sa disparition, cette trahison inacceptable, un uppercut ricanant dont elle est victime. Le Mal la recouvre, lape sa vie doucement. Dernière apparition de la Maladie : vendredi dernier tandis qu’elle s’élance vers le cheval-d’arçon. Tout semble normal (elle finirait presque par croire que rien ne se passe finalement, que « ça » a été stoppé). Mais dans sa course, quelque chose d’autre que son corps se met en branle, un mouvement ridicule et tressautant: de la chair supplémentaire qui ne fait visiblement pas partie d’elle, puisqu’elle en sent chaque tremblotement, chaque répugnante cellule graisseuse autonome. Les filles molles. Celles en qui on peut s’enfoncer comme dans des coussins, confortables. Les filles commodes. Ça fait vomir d’être devenue presque confortable. Elle stoppe sa course. Explose en sanglots en plein entraînement et hurle (les autres fillettes pâlissent de l’outrage insensé dont elles sont témoins, dans cet espace où on n’entend jamais leur voix), sous le choc d’une autre avancée de la Maladie. Et cette organisation, ce qu’il faut comme temps, maintenant, pour tenter de garder certains aspects de sa Maladie secrets encore ; ces protections épaisses qui alourdissent ses culottes, qu’elle cache avant de les jeter, entre le mur et les étagères de sa chambre où sont rangées ses poupées, ses coupes et ses médailles, des amas de tissus et de coton tâchés. Elle ne peut pas traverser la cuisine devant ses parents (compatissants mais déçus, la petite fée leur manque déjà) avec « ça » à la main et le jeter dans la poubelle de la cuisine, comme une composante normale de sa vie, entre les épluchures de patates et le quotidien de la veille. Elle attend la fin d’après midi, dissimule le paquet enveloppé de journaux sous son pull pour s’en débarrasser comme d’un fâcheux témoignage dans la poubelle tout au bout de la rue. Elle est devenue une criminelle aux doigts sanglants et aux culottes disgracieuses.

1978-1980. Championnats d’Europe, Strasbourg – Championnats du monde, Copenhague – Jeux olympiques de Moscou – And now we’re going to see whether some of the glitter has disappeared from the great Comaneci, number 141 !!

Non, nous ne pouvons donner suite à votre demande, disent-ils en secouant la tête. Après examen minutieux, sommes au regret de vous signifier que. Et ils pleurnichent leur nostalgie : où est ma poupée, qui m’a pris ma poupée. Se remémorent encore la rencontre avec leur libellule. Pas la même. Ils ne se laisseront pas abuser, ne se laisseront pas refiler celle-là à la place de l’Adorable. Ils disent : elle n’est plus l’écolière qui, après avoir reçu 10 sur son cahier de gym, jouait à la poupée devant le monde entier. Ils notent : elle a coupé ses couettes et ses « formes » gonflent son maillot. Ils s’émerveillent : mais une Russe est là, qui ne pèse que 29 kg ! Peu à peu la peine et la déception font place à de la colère, une colère aigre, c’est qu’elle a avalé le passé aussi, la légèreté de l’été 1976, et ce « Rou-ma-nie » qu’on prononçait avec émerveillement, gourmand de son accent et de cette façon de resserrer l’élastique de sa queue de cheval, son regard presque vide avant d’entrer en action, un jouet toujours OK !
Chère Nadia. Tu étais mmmmm quand tu faisais ce geste de la main à la fin de tes exercices au sol. Ma bébé héroïne.
Mon chaton tourbillonnant. Mais aujourd’hui, Comaneci, elle a dix-huit ans, cette sombre jeune femme des Carpates, elle porte un soutien-gorge et doit se raser les aisselles, conclut l’éditorialiste du Guardian en juillet 1980. On s’offusque en pouffant, celui-ci, quand même, pour un peu il inspecterait ses culottes, hein. Non, vraiment, ça va trop loin. Alors que c’est quasiment rationnel, même si on espérait qu’elle passerait au travers, c’est tout simplement que : « La petite fille s’est muée en femme et la magie est tombée. Verdict : le charme est rompu » (Libération). Interviewée par la BBC, à la question : « Vous n’êtes plus… une petite fille, mais une femme ? », Nadia C. chuchote, gênée (une alcoolique lors d’une réunion des AA) : « Oui… C’est mon… grand problème. »
On procédera aux formalités avec le respect dû à une ancienne fée. Finalement c’est pas mal du tout comme fin. La Maladie, ce sort inexorable qui rend si chères à nos coeurs celles qui ne savent pas encore qu’elles n’y échapperont pas, ces très chéries qui nous hantent, nos gamines bondissantes, sûres-certaines que jamais elles ne seront englouties par la marée sanglante d’hormones implacables. Tout est bien.
La jeune femme sera convoquée devant eux, tous rassemblés dans la salle de presse, sévères. Ils attendront des larmes et des excuses, elle sourira pour les amadouer : « Heureusement que j’ai changé depuis Montréal, j’avais treize ans. Je suis tout à fait… normale pour mon âge. »
Puis, poliment, une hôtesse soucieuse de l’ennui affiché de ses hôtes : « Vous… n’avez pas d’autres questions ? » Alors, ils noteront ses mèches blondies et avant de passer à une autre interview, écriront rapidement dans leur carnet une dernière fois ce mot, entouré de guillemets – Nadia C., mort d’une « fée », tandis qu’elle, dans le silence, pour sa défense, doucement protestera : « Je ne pouvais pas mesurer éternellement 1 mètre 47…
Non ? »

Dernier titre paru : Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce (Flammarion, 2011, J’ai Lu, 2013).

À paraître en 2013 :
« We are the birds from the coming storm » (Seagull Books)
et
« La petite communiste qui ne souriait jamais. »

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