Article pour le « Libé des écrivains » du 21 mars 2013 (rédactrice en chef : Virginie Despentes)
Donc, de ceci on fera une affaire d’Etat. Après l’annulation par la justice du licenciement d’une employée voilée de la crèche Baby Loup, la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a affirmé que «le principe de laïcité» ne doit «pas s’arrêter à la porte des crèches», ajoutant que «s’il y a nécessité de préciser les choses par la loi nous ne l’excluons pas».
Mardi, à l’Assemblée nationale, Manuel Valls est donc, selon ses propres termes, «sorti quelques secondes de ses fonctions» pour «dire combien il regrette la décision de la Cour de cassation sur la crèche Baby Loup et sur cette mise en cause de la laïcité».
Lorsqu’il sort de ses fonctions, puisque le ministre n’a pas le droit de commenter une décision de justice, qui parle ? Est-ce l’homme ? Le citoyen ? Le père de la famille France grandement mise en danger par des hordes de femmes voilées venues contaminer les enfants de leurs croyances ? Ou bien encore l’ancien maire d’Evry (Essonne) outré qu’une épicerie du quartier des Pyramides ne vende pas d’alcool ou demandant qu’on lui trouve «quelques Blancs, quelques white, quelques blancos»dans sa brocante pour être mieux entouré devant les caméras.
Me Niel, avocat en droit social au cabinet Fidal, redoute pour sa part que cette décision n’encourage «le prosélytisme». «L’obligation pour l’employeur d’afficher une grande tolérance envers le fait religieux risque de favoriser les extrémistes qui pourraient en profiter pour faire entrer dans l’entreprise leurs pratiques religieuses, notamment sur les fêtes et les pratiques alimentaires», dit-il, en encourageant les entreprises à «prendre ces sujets à bras-le-corps».
Mais quels sont «ces sujets» ?
Ces dernières semaines, les pratiques alimentaires les plus risquées auxquelles ont été exposés les Français sont surtout celles d’un libéralisme boulimique qui broie os, moelle, vieux chevaux et lois pour les resservir à toutes les sauces. Combien de lois aligneront-ils encore, ceux qui, en les isolant et les stigmatisant, font des femmes musulmanes des «Autres» qui seraient des ennemies de la République.
Certains argumentent qu’il faut protéger les enfants et leur laisser leur libre arbitre. On s’assurera donc qu’on n’a pas, ces jours-ci, exposé trop longuement ses enfants aux volutes blanches papamobilesques qui se répandent dans les médias.
Lola LAFON
Source Internet : http://www.liberation.fr/societe/2013/03/20/baby-loup-et-les-ennemies-de-la-republique_890138