AFFAIRE POLANSKI : LA HONTE, COMME UN SEUL HOMME.
Effarement, lâcheté, honte. En terminant la lecture de la réaction de Lola Lafon et Peggy
Sastre, publiée dans les pages Rebonds du 21 juillet, j’ai réalisé que, tout au long de ce que l’on
a appelé “l’affaire Polanski », j’avais été traversé successivement par ces trois sentiments,
Effarement devant les réactions provoquées par l’assignation à résidence du réalisateur, cet
hiver. Entendons-nous bien : il n’est pas question ici de juger le cinéaste, puisque je n’ai,
comme tout un chacun, qu’une opinion personnelle, construite à partir des articles de la presse
écrite et des reportages des médias audiovisuels, et donc complétement négligeable en terme
de Droit. Je n’ai aucune connaissance réelle – indispensable à l’établissement d’une décision de
justice – sur cette affaire. Mais je ne crois pas que tous les artistes qui ont pris, “comme un seul
homme”, la défense du cinéaste en aient beaucoup plus, et c’est bien là que le bât blesse.
Au nom de quoi se permet-on de déclarer par avance un homme innocent tout en s’indignant
qu’il soit traité comme un coupable, sans jugement ? Innocence et culpabilité doivent voyager
dans le même bateau de l’équité, sinon elles courent le risque d’être iniques.
Lâcheté, quand j’ai réalisé que malgré l’embarras ressenti devant ces commentaires qui
semblaient vouloir absoudre par avance le réalisateur de ses éventuelles responsabilités, je n’ai
rien dit.
Parce que je suis un homme et que, malgré la consternation que je ressens chaque fois que
dans les rapports hommes/femmes je constate que nous continuons à réagir en animal naturel
plutôt qu’en être culturel, je me satisfait petitement d’être du côté des “dominants”. Comme
il m’était facile de me réfugier derrière l’iniquité du système juridique américain qui permet
tous les marchandages, moraux ou financiers… Comme il me rassurait de m’appuyer sur les
déclarations de la victime qui a exprimé, de manière répétée et depuis longtemps, le souhait
que toute cette histoire se referme ! De cette manière, ne m’exonérais-je pas un peu de toutes
ces fois où, moi aussi, j’ai participé à la domination masculine?
Honte, enfin, parce que cette réaction rédigée par les deux écrivaines, j’aurai voulu, j’aurai dû
l’écrire. Mais non, il a fallu, une fois de plus, que ce soit des femmes qui parlent juste et tentent
de rappeler quelques éléments incontournables de cette histoire qui opposa, il y a longtemps,
une jeune fille de 13 ans et une célébrité de 30. Je ne peux m’empêcher d’imaginer ce qui se
serait passé si les genres avaient été inversés?
Alors, en attendant qu’une hypothétique décision de justice vienne mettre un terme à cette
affaire, et déclarer le “prévenu”, coupable ou innocent, la seule culpabilité qui me semble
clairement établie, c’est celle de tous ces hommes qui ont choisi leur camp et jugé, malgré leur
ignorance et à cause de leur sexe.
Car il me semble que dans cette affaire, la moindre des choses voudrait que chacun se taise
et relise plutôt les propos, publiés ironiquement dans le même numéro de Libération, en page
6, d’Everjoice Win, chercheuse zimbabwéenne : “Durant sa vie, une femme sur trois dans le
monde subira de la violence ou une relation sexuelle non consentie” et “
Selon l’OMS, 30% des
premiers rapports sexuels se font sous la menace”.
Olivier Doran
(réalisateur, scénariste, comédie
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