Peut-être que le mieux, certains jours d’hiver, c’est de sympathiser avec un cheval.
Aller lui apporter son silence, se regarder en face. Chaque jour, depuis trois semaines, je marche jusqu’à ce cheval.Il ne bat pas beaucoup des cils, il attend un peu. Au début, j’ai eu peur qu’il me fasse un: »Alors, quoi de neuf? », s’il l’avait fait, je lui mettais une claque.
Je déteste les gens qui vous accueillent avec un « Alors quoi de neuf » comme si on était une immense solde Galeries Lafayette.
Je lui raconte des trucs dont il n’a aucune idée, je me plains, il faut qu’il sache que je réécris encore le chapitre 2, que ne parler à personne m’est un tel apaisement que ça m’inquiète.
Si je reste devant lui une heure, il ne bouge pas, ne montre aucun ennui, ne me tourne pas le dos. Il a l’air d’être convaincu qu’il va se passer des tas de choses intéressantes, un peu plus tard. J’en suis un peu embarrassée, à part deux courgettes, je n’ai rien. Je me promets de revenir sans me plaindre avec des carottes.
Au bout d’un moment, je me sens gênée de l’obliger à rester face à mon manque de mots, immobile, là, c’est un hôte impeccablement bien élevé, alors que juste avant que j’arrive, il faisait office de tondeuse enthousiaste dans le pré.
Alors, je m’en vais en lui faisant des tas de gestes, « coucou », qui doivent lui sembler absurdes et effarants.
Ca fait donc 21 jours, maintenant, que je me suis éclipsée pour transformer des mots en vie, en « histoire ».
Trois semaines dans un silence construit comme un gateau à différentes couches: la première, obligatoire pour tenir le tout, un peu fade.
La deuxième couche de silence, que je rajoute lentement, jour après jour, et c’est une absence aux autres qui me devient douce, un refuge nécessaire.
Puis la troisième couche, un silence qui m’enfeme totalement avec ceux qu’on appellera mes « personnages ».
à bientôt, très bientôt
lola
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