Chavirer

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Chavirer n’est pas chuter ni faire naufrage ; c’est un vacillement, une inclination pour le bouleversement. C’est un mouvement, un geste : celui que Cléo n’a pas esquissé quand elle aurait dû le faire.

Cléo est le corps du texte, un corps vêtu de paillettes qui reflètent la lumière mais s’incrustent dans la chair : celui d’une danseuse anonyme au sourire contractuel et faux cils obligatoires, qui, sur les plateaux de télévision des années 90, s’emploie à divertir un public populaire. A faire oublier à défaut d’oublier. La vie de Cléo est l’étoffe du récit, un tissage de silences comme autant de fils fondus en un lissé satiné.

Chavirer est le roman de nos coulisses, de ce qui se joue dans notre part d’ombre, tandis qu’on prétend être indemne. A force de temps, la chair écorchée se reconstitue mais l’écharde affleure. Cléo se cogne à l’impossibilité de se pardonner comme à celle d’être pardonnée.

En décembre 2018, je lis ce vers de Musset : « à défaut de pardon laisse venir l’oubli ». Les mots de Musset posent la cartographie de la narration, ils ricochent sur chacun des chapitres, des vies de ceux et celles qui racontent Cléo. Cléo-l’obscure éclaire, elle reflète les lâchetés minuscules, les négligences de chacun d’entre eux.

Ce n’est pas ce à quoi on nous oblige qui nous abîme, c’est ce à quoi nous consentons qui nous ébrèche, d’avoir dit oui parce qu’on ne savait pas dire non. A l’origine de l’écriture de Chavirer, il y a ce pacte : extraire le singulier du pluriel des silences. Ecrire ce qui hante, les traces des mots qui n’ont pas été prononcés, des gestes qui n’ont pas été faits.

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