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LIBE, REBONDS, MERCREDI et autres détails

« Comme un seul homme » ou « Filles de rien » le texte co-écrit avec Peggy Sastre sera donc dans Libé mercredi à la page Rebonds.
Je rentre de la Villette où j’ai vu le film d’Agnès Varda « Sans toit ni loi ». Projection marquée des corps qui se lèvent, traversent la pelouse, quittent l’endroit un à un, destabilisés peut-être par la narration justement pas narrative de Varda. Le ton des acteurs pas dans le moule actor’s studio meets HBO.
Puis vers la fin du film, au moment où le corps de Mona se fait sac, tas hébété de fatigue, muscles raccourcis par le froid, une voix explose dans la nuit de la Villette.
Avec ce ton caractéristique, cette sufffisance de dîner de trentenaires attentifs à la saine fermeté d leurs chairs, elle lance très fort contre la nuit: »j’adoooore sandrine bonnaire, mais là ce film c’est juste pas possiiiiible c’est n’importe quoi ».

Alors je lui dis ta gueule. Je romps le charme sans doute élégant et bohême de cette pelouse nocturne. Quelques minutes plus tard, à mes côtés, un jeune couple range après le générique, soigneusement sa couverture. Sans un mot pour le film, elle déplore le fait que j’ai « dérangé la projection ». Je tente de lui dire que des rires ironiques durant tout le film sont une vraie claque au film, elle secoue la tête et répète « vous êtes très violente. hein. On est tous de bonne humeur. il faut rester de bonne humeur, hein ». Madame Bisounours donne le ton. Nous serons tous de bonne humeur. cool. Je tente de lui expliquer encore que c’est peut-être plus violent de rire à certaines images que de dire ta gueule. Vous comprenez, je demande. elle continue à préconiser la bonne humeur et la légèreté pour tous.

Et puis, elle clot le débat, « chacun a le droit de s’exprimer hein ».

Bouche close, de belle humeur, le corps détendu, des appareils biologiques arpentent les pelouses sans jamais trébucher sur rien, tous ces n’importe quoi qui nous saisissent à la gorge.

Bookmarquez le permalien.

2 Comments

  1. Allez, rassure-toi, tout n’est peut-être pas perdu (je suis un plus que trentenaire, mais n’ai pas tout perdu (sauf peut-être la fermeté de mes chairs…)), cette année, il y a eu projection de « Sans toit ni loi » au ciné-club de la fac de Tours. Les étudiants présents ont certes été déroutés, mais il n’y a pas eu de commentaires désobligeants, pas de rires ironiques. Seulement un silence assez lourd devant la force du film.

  2. On comprend la dame : Sans toit ni loi ne s’étend pas sur les angoisses métaphysiques et le déficit de supplément d’âme des bien-casés. La misère qu’il dépeint est trop dangereuse, trop proche, elle passe à travers la peau. Il faut bien toute la violence continuelle de la bisounoursitude pour s’en protéger.

    J’ai cinquante-huit ans. J’ai vu le film à sa sortie, et plusieurs fois ensuite. Il est comme inscrit dans ma chair.

    Le camionneur qui s’arrête : «Y a pas grand-monde par ici à cette saison.»
    — «Y a moi.»

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