tabita m’envoie ce commentaire:
« Bonjour, j’ai lu votre livre cette nuit. On me l’a offert pour Noël, parce que je suis roumaine, et qu’accessoirement j’aime bien l’album de Leva. En fait, je voulais vous dire que c’est si facile de faire la rebelle quand à la base, on a une base justement, c’est à dire qu’à la base vous avez des parents qui ont de l’argent au moins un minimum, bon au moins qui ont un toit, ou alors quand on a une famille un peu plus étendue que celle nucléaire, sur laquelle compter ; vous ne risquiez pas d’être trop dans la merde et c’est souvent le cas avec les contestataires (j’en connais certains) souvent des fils de profs par exemple, ma main à couper qu’ils n’ont pas eu à vivre avec 5 francs par jour, par famille donnés par le foyer de réfugiés politiques. Quand on galère vraiment, on ne conteste pas, on apprend, on va à l’école à la fac, on bosse, beaucoup, en silence. Quand on galère vraiment, il est vrai qu’on peut contester, jamais être content, toujours pester contre la France,et empocher les allocations tout de même. Moi je ne peste pas, la France m’a donné la nationalité française et je ne vois pas pourquoi je lui en voudrais, c’est moi (ma famille) qui sommes venus ici, sans qu’on ne nous le demande…
Tout ça pour dire que votre roman est bien fichu, mais il m’a vraiment énervée…
Allez, Joyeuses fêtes de fin d’année, sarbatori fericite, sa traiti… »
Je ne répond pas souvent (on va même dire jamais..) aux commentaires, mais là, c’est Noël, je n’aime pas Noël, donc je déroge à mes règles.
Oui , bien sûr,on peut dire merci à un Etat de nous donner juste le minimum pour s’en sortir, apprendre silencieusement à s’en « tirer »‘.
Je ne donne pas de leçons et ne parle que de mon ressenti. il m’est personnellement impossible (et c’est une maladie difficile à vivre en ce moment, solitaire) de construire mon bonheur sur le malheur des autres.
Point.
effectivement, moi, en tant que lola lafon, je m’en sors, je pourrais très bien passer mon temps dans des concerts, des fêtes, fréquenter des personnes gaies, et légères de leur situation.
ça me ferait gerber, excusez mon français.
je passe devant des corps étendus dans la rue, je ne vais pas remercier l’état français ou un autre d’ailleurs, de me sauver moi, s’il en supprime d’autres. je n’ai juste pas ce logiciel là dans mon corps.
je peux détourner le regard, d’autres regards hagards constamment dans la rue.
je peux choisir de ne pas savoir.
je peux choisir d’être historiquement aveugle aussi. Je suis en train de lire l’histoire de la Commune et Paris est une vaste géographie d’insurrections réprimées, de mouvements spontanés magnifiques.
J’ai envie de croire à une continuité de l’histoire, à un sens.On ne peut pas juste être vivant pour S’EN SORTIR. Les plantes apprennent à survivre aux adversités.
On peut avoir plus d’ambition qu’une marguerite.
je ne peux pas me résoudre à ne voir que MA vie, MON compte en banque MA carrière et MON copain.
quant au célèbre et très cliché: « les révoltés sont des fils de bourgeois », je dirais d’abord peut-être, oui et qu’est ce qu’on en a à foutre?
ça voudrait dire aussi qu’on ne peut pas être anti raciste si on est blanc?
que les milliers de parents d’élèves qui, cet été, ont fait bloc pour que la Police ne rentre pas dans les écoles pour emmener des enfants menottés sont « bourgeois », donc, leur mouvement spontané contre les lois Sarkozy est méprisable? Après tout, eux, ils devaient vivre correctement, qu’est ce qui leur a pris??
ça voudrait dire qu’on ne peut combattre que ce qu’on est, donc il faut être pauvre et prolétaire pour être rebelle….
Moi, blanche, éduquée, fille de profs (et je n’ai même pas honte, quelle malheur!!) je peux me serrer dans le rang de ceux qui ne partiront pas dans les charters, qui ne seront pas à la rue.
je peux comme ça contribuer à renforcer le pouvoir. C’est tout ce qu’il souhaite, nous diviser entre « ceux qui s’en sortent » et ceux pour qui il est trop tard.
Simplement, même la lâcheté ne protège pas. Un jour ou l’autre, on peut évidemment se retrouver du côté des sacrifiés.
en manifestant (comme le savent bien les lycéens condamnés à du ferme lors des manifs anti CPE) on risque à tout moment d’être rayé de la carte des protégés de l’Etat.
en étant noir en étant roumain en étant arabe en étant prostituée en étant tout court
je ne connais pas les solutions.
Je dis juste :
il y a une cinquantaine d’années en France, des bons français cherchaient à « s’en sortir » aussi. Pour ça, ils ont appris à détourner le regard des étoiles jaunes qui se promenaient dans la ville.
D’autres cachaient des enfants, ils ont caché ma mère , aussi.
c’est cette France là que j’aime bien.
on est beaucoup, un peu trop silencieux parfois, à ne pas avoir envie d’envoyer une carte de Noël à l’Elysée ou à Matignon.
et, ne vous en déplaise, il y a quand même énormément de personnes « qui galèrent vraiment » ( c’est à partir de quand, ce « vraiment »???)et qui se battent… (je ne ferais pas la liste…)
quelle colère étrange que de s’en prendre à ceux qui demandent juste mieux que de survivre…. Ne t’inquiète pas Tabita, la France est globalement d’accord avec toi.
Chacun pour soi
une dinde et des huîtres pour ceux qui peuvent
et des tas de Dieux en supplément
« ‘Par le fait même de sa naissance, chaque être a le droit de vivre et d’être heureux. Ce droit d’aller, de venir librement dans l’espace, le sol sous les pieds, le ciel sur la tête, et le soleil dans les yeux, l’air dans la poitrine, -ce droit primordial, antérieur à tous les autres droits, imprescriptible et naturel,- on le conteste à des millions d’êtres humains. »
Ravachol
« Il y a une limite à la liberté – la liberté d’autrui. Mais où se trouve cette limite?
Ou ma liberté est plus restreinte que celle d’autrui, et alors je ne suis pas libre.
Ou elle est plus grande que celle d’autrui, et alors ce sont les autres qui ne sont pas libres. Dans les deux cas (…) l’état de liberté n’existe pas. La liberté ne peut exister que dans le troisième état possible de la société humaine :L’EGALE LIBERTE POUR TOUS »
John Henry Mac Kay
attention, la respiration en apnée ne peut être que de courte durée
lola
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