Il y a un an, j’ai été contactée par Annette Lucas et Jane Evelyn Atwood, une photographe.
Elles avaient le projet de réunir les témoignages d’une dizaine de femmes très différentes sur la violence sexuelle et d’en faire un livre dont elles disaient qu’il serait « vivant, beau ».
M’ont demandé si j’accepterai de témoigner, en mon nom propre cette fois ci. Je suis rentrée chez moi cet après-midi là, presque mal.
« Une fièvre impossible à négocier » était l’histoire de Landra, l’héroïne violée qui finit par se relever un peu du lit où l’ enmure un « homme insoupçonnable ».
Aux questions de la presse concernant ce qui était « vrai » ou pas dans ce roman, je répondais en jouant à cache cache.
Les squatts? Vrai
La Roumanie? Vraie
Le viol ? Vrai mais je n’en parlerai pas, je disais ça, laissez moi ne pas en parler.
Pendant des mois, des « Landra » , j’en ai vu tellement. Dans les salons littéraires, dans la rue,elles venaient vers moi pour se faire signer le livre, elles venaient me parler. J’ai alors changé de place, je suis devenue un peu « survivante » et je les ai écoutées me dire ce que je connaissais déjà, elles m’ont chuchoté un passé de silences.
J’avais été comme elles, championne du silence, dépouillée de mots.
Je disais depuis des années « quand CA m’est arrivé » comme si je parlais d’une catastrophe naturelle, d’une maladie et pas d’un viol. CA ne se disait pas, toujours pas, sauf en fiction.
Et voilà que là, pour ce projet de livre, il s’agissait de raconter ma « vraie » histoire. Ce que je ne faisais pas, jamais, depuis que je l’avais fait devant la justice, sans succès.
Alors, la demande d’Annette Lucas et de Jane Evelyn Atwood, je n’avais pas du tout envie d’y répondre.
Je me suis dit que je ne pourrais pas, je me suis dit que je ne reviendrais pas en arrière, que je ne voulais pas, plus entendre parler de cette histoire.
Si je ne voulais plus parler de tout ça, c’était peut-être pour avoir ma chance, c’est vrai, d’être neuve, une chance de retourner en arrière, dans l' »avant » viol, là où j’étais sans savoir, là où j’étais sans imaginer le temps que ça mettrait, de me réparer.
Et il faut bien dire que si après un viol, vous n’avez pas envie d’en parler, en général votre entourage se fera une joie de garder votre silence…
Personne n’a envie d’entendre que vous avez été violée par votre ami, mari, copain. Personne n’a envie d’entendre que la violence vous savez de quoi ça parle.
Et je reconnais maintenant très vite ce moment de crispation sur les visages des personnes de ma famille quand dans une conversation, le mot « viol » passe et que plus personne ne bouge pour que ce mot passe le plus vite possible…
Alors l’année dernière, un dimanche, j’ai finalement passé l’après-midi avec Annette Lucas, je lui ai raconté mon histoire.
Au moment où je parlais en mon propre nom et plus au nom de mon héroïne, Landra, c’était comme si mon corps traversait des années pour venir s’apaiser que je dise sa vérité.
Ce livre « A CONTRE COUPS » existe, plein des récits que ces femmes n’ont pu faire ni à leurs amis ni à leurs familles.
On sort du silence recommandé.
Je n’ai pas peur de la diffamation qu’on risque toujours en parlant d’un viol, quand cet acte a été « classé sans suite » par la justice (Sans Suites?…)
Il s’est passé du temps depuis « CA », ce viol. Le temps ne m’a pas apporté le pardon (mais qu’est ce que c’est que ce truc?), il m’a séparée de ma peur.
Et je dirais que maintenant, si la personne que je mets en cause se reconnait et qu’elle m’attaque en justice, j’irais personnellement lui cogner la tête près d’un mur, et bien que je n’ai jamais pratiqué ça, ce n’est pas grave: les bouts de bombe qu’il m’a planté à l’intérieur n’attendent que d’exploser.
« A CONTRE COUPS » existe. Ce livre est beau, il est rempli de femmes qui disent leur parcours de fantômes acharnées à revenir.
Les photos de Jane Evelyn Atwood ne racontent que ça : des bagarreuses magnifiques.
Demain, 25 Novembre, c’est la journée contre les violences faites aux femmes.
à bientôt
lola
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